1. Introduction : Une menace silencieuse pour la mer et notre assiette

La pollution plastique s’insinue aujourd’hui dans chaque couche de l’océan, depuis les eaux de surface jusqu’aux profondeurs abyssales. Ce phénomène, invisible à l’œil nu, constitue une menace insidieuse pour la biodiversité marine et, par ricochet, pour la santé humaine. En France comme dans les pays francophones, la mer n’est pas seulement un espace naturel, mais une source vitale d’alimentation. Comprendre comment le plastique s’y intègre est essentiel pour préserver la sécurité alimentaire marine.

2. Origine du plastique dans les océans : des sources terrestres aux courants marins

    • La majorité des déchets plastiques marins provient des activités terrestres : mauvaise gestion des déchets, ruissellement urbain, activités agricoles et industrielles. En Méditerranée, l’Espagne, la France et le Maroc figurent parmi les principaux contributeurs, avec des millions de tonnes de plastique rejetées chaque année dans les rivières puis dans la mer.
    • Les courants océaniques agissent comme des autoroutes invisibles, transportant les déchets sur des milliers de kilomètres. Ce phénomène concentre les plastiques dans des zones stratégiques comme les gyres marins, notamment le Gyre nord-atlantique, où s’accumulent des « îles de plastique » gigantesces.
    • L’Afrique francophone, forte de ses littoraux étendus, subit également une pression croissante : des études récentes montrent que plus de 60 % des déchets plastiques collectés sur les plages de Côte d’Ivoire, Sénégal ou Madagascar proviennent de la pêche artisanale mal contrôlée et des activités urbaines côtières.

Cette circulation globale transforme le plastique en vecteur silencieux, reliant les zones terrestres aux écosystèmes marins profonds, où il persistera des siècles.

3. Fragmentation : du macroplastique au microplastique, un cycle destructeur

    • Les déchets plastiques, exposés aux rayons UV, au vent et aux vagues, se fragmentent lentement en morceaux de plus en plus petits. D’un sac plastique à une centaine de micromètres, ce passage du macroplastique au microplastique est accéléré dans les eaux agitées des côtes françaises et des eaux tropicales africaines.
    • Les études montrent que plus de 80 % des microplastiques trouvés dans les sédiments marins proviennent de la dégradation de plastiques plus gros. En Méditerranée, concentration observée jusqu’à 250 000 particules par kilogramme de sédiment.
    • Les microfibres textiles, issues du lavage de vêtements synthétiques, représentent une part significative : elles sont détectées dans près de 90 % des échantillons d’eau de mer prélevés sur les littoraux français, de la Bretagne à la Corse.

    Cette fragmentation transforme le plastique en particules omniprésentes, presque impossibles à éliminer, dispersées à tous les niveaux de la chaîne alimentaire marine.

    4. Intégration silencieuse : le plastique dans les organismes marins

      • Le plastique pénètre les organismes marins par ingestion, filtration ou contact direct. Des zooplanctons aux poissons, en passant par les mollusques et les crustacés, des études scientifiques francophones confirment la présence de microplastiques dans plus de 70 % des espèces testées en Méditerranée.
      • Chez les poissons, des lésions internes ont été observées, ainsi que des perturbations hormonales liées aux additifs plastiques comme les phtalates. En France, des campagnes de monitoring menées par l’Ifremer révèlent une contamination croissante des coquillages bouchots, alimentant un débat public sur la sécurité des produits de la mer.
      • Le phénomène de bioaccumulation est inquiétant : les toxines adsorbées par les plastiques sont transférées le long de la chaîne alimentaire, atteignant même les prédateurs supérieurs, y compris l’humain.

      Ce processus d’intégration invisible fragilise les écosystèmes marins tout en contaminant directement la source alimentaire humaine.

      5. Concentrations cachées : plastique dans les sédiments et la chaîne trophique

        • Les sédiments marins agissent comme des pièges à plastique, accumulant les débris sur des décennies. En France, des campagnes d’échantillonnage dans les estuaires du Rhône ou de la Garonne ont identifié jusqu’à 1,2 million de particules plastiques par mètre cube de sédiment.
        • La chaîne trophique amplifie cette contamination : les prédateurs situés en haut de la pyramide, comme les requins, les dauphins ou certains poissons commerciaux, concentrent des niveaux élevés de microplastiques et de composés chimiques associés.
        • En Bretagne, des recherches montrent que les moules et les huîtres filtrent activement ces particules, devenant ainsi vecteurs indirects de contamination alimentaire.

        Cette dynamique souligne une réalité inquiétante : la mer, en absorbant les plastiques, les redistribue à l’humain sans qu’il en ait conscience.

        6. Impacts invisibles sur la santé : entre espèces marines et populations humaines

          • Pour les espèces marines, les microplastiques perturbent les systèmes digestif et reproductif, altèrent les comportements alimentaires et augmentent la vulnérabilité aux infections. Des études menées dans les eaux locales montrent une baisse de la fertilité chez certaines populations de poissons côtiers.
          • Chez l’humain, bien que les effets à long terme soient encore étudiés, des recherches francophones récentes détectent des microplastiques dans des tissus humains, y compris dans le sang et les tissus pulmonaires. L’OMS appelle à une vigilance accrue, surtout pour les populations consommatrices régulières de produits de la mer.
          • Les additifs chimiques, comme les bisphénols et les phtalates, adsorbés sur les particules plastiques, agissent comme des perturbateurs endocriniens, soulevant des préoccupations majeures pour la santé publique.

          La santé de la mer et celle des hommes sont donc intimement liées — une menace invisible qui exige une action urgente.

          7. Vers une alimentation contaminée : le rôle des produits de la mer

            • Les mollusques, poissons et crustacés, piliers de l’alimentation méditerranéenne, sont particulièrement exposés. En France, près de 70 % des coquillages récoltés sont contaminés, selon des analyses réalisées par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE).

Von Arif Isla